Un dernier (petit) voyage pour le frère André

Peu de pèlerins savent qu’à une autre époque, la crypte de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, maintenant centenaire, abritait le tombeau de saint frère André.

Lorsqu’il apprend que le frère André n’a plus que quelques jours à vivre, Mgr Georges Gauthier, futur archevêque de la métropole, se rend à l’Oratoire et exige du recteur que le tombeau du vénérable religieux soit construit dans la crypte : « Vous le placerez dans ce transept central. Faites faire un plan par Dom Bellot et mettez-vous tout de suite à l’œuvre »1. Les pères ne perdent pas une seconde. Les plans sont approuvés rapidement et on creuse dans le mur un petit renforcement voûté. La décoration, sobre, est confiée à l’artiste Henri Charlier. Ce dernier réalise également la fresque de la « Mort de saint Joseph » qui couronne le tombeau2. Quelques jours après le décès de l’humble frère André, l’archevêque Gauthier préside lui-même aux cérémonies de l’inhumation et scelle de ses mains la pierre tombale (12 janvier 1937).

Tombeau du frère André, 1937

21-6 Le premier tombeau du frère André, dans la crypte-église. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal

Pèlerins à genoux devant le tombeau de frère André dans la crypte.

21-10 Des pèlerins priant devant le tombeau du frère André. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal

En 1943, la présence de la sépulture dans la crypte devient un sujet d’inquiétude pour les autorités de l’Oratoire. On s’apprête alors à entamer une étape importante vers la canonisation du frère André : le procès de non-culte. Il s’agit de prouver qu’il n’y a pas eu de culte public dans une église avant que Rome ne se soit prononcée sur l’authentique sainteté du personnage. La présence du tombeau dans l’enceinte de la crypte pose problème en raison de la grande notoriété du frère André, et de l’attachement des pèlerins à son endroit : « […] il s’agit du frère André qui vient de mourir en odeur de sainteté et que le peuple vénère déjà comme un saint»3. Cette situation nécessite une solution radicale : il faut déplacer le tombeau hors de la crypte.

On fait de nouveau appel aux architectes, décorateurs et gens d’Église pour trouver une solution. On propose la création d’un caveau creusé à flanc de montagne, assez profond pour laisser entrer la crypte et le tombeau, un espace plus approprié à la dévotion à saint Joseph. Flanquée par des entrées indépendantes de la crypte, offrant donc moins de dérangements lors des messes, cette « chapelle votive » est appelée à devenir un lieu emblématique du sanctuaire.

Et le tombeau ? Dans l’intervalle, il est déplacé une première fois dans un caveau temporaire en janvier 1944, dans un petit corridor d’environ 1,80 m de longueur à l’extérieur de la crypte4. Les grands travaux de la chapelle votive débutent en novembre 1946 et ne sont terminés qu’au cours de l’été 1949. La chapelle et le tombeau sont bénis solennellement le 9 août 1949. Ce sera un dernier (petit) voyage pour le frère André…

Construction chapelle ex-voto 1946-1949

53-6 Construction de la chapelle des ex-voto. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal

Bénédiction chapelle des ex-voto, Mgr Joseph Charbonneau, 1949

54-1 Mgr Joseph Charbonneau bénit la chapelle et le tombeau, 9 août 1949. Photographe : Roger St-Jean. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal

1. Témoignage du Père Albert Cousineau dans L’Oratoire, septembre 1967, p. 28
2. Catta, Le frère André, PP. 929-938
3. Témoignage de l’abbé Valérien Bélanger, 15 mai 1943, dans Catta, op. cit., p. 990
4. Catta, op. cit. p. 991