Par un dimanche de ce mois d’avril, je me suis offert une expérience unique en vivant le Parcours Musique et Spiritualité, proposé par l’Oratoire, en compagnie d’un groupe de jeunes et d’adultes.

Dans son mot d’accueil, sœur Estelle nous présente le programme : rencontre avec Vincent Boucher, organiste titulaire, messe avec les Petits Chanteurs du Mont-Royal et découverte du carillon. Le but de la démarche ? « Se laisser rejoindre par le Dieu qui nous habite, grâce aux séquences musicales que nous allons entendre », explique la religieuse qui a conçu ce programme il y a 22 ans.

Nous voici donc à la tribune du grand orgue Beckerath, assis au pied de ce gigantesque monstre de 60 tonnes. On a beau lever la tête et observer l’engin de tous côtés, il nous est difficile d’en saisir l’ampleur. Didactique et pédagogue, Vincent Boucher nous présente toutes les possibilités de cet instrument. À l’aide du pédalier, des cinq claviers, des nombreux « jeux » (c’est-à-dire des différentes sonorités obtenues en actionnant des tirettes) et − disons-le − de son talent, le musicien nous transporte, nous emporte. Le grand plein jeu de l’orgue résonne d’abord dans la basilique. Le son est très fort et je suis aussitôt happée et saisie par la puissance et la majesté de ces notes vigoureuses. Puis le musicien change de registre. Le voilà en train de jouer un morceau très recueilli : un mince et intime filet d’air, très doux, à peine perceptible, aux trilles aigus, me transperce et pénètre au plus profond de mon cœur. Comment un instrument aussi colossal peut-il émettre autant de douceur et de délicatesse ? J’ai l’impression que l’orgue n’est finalement rien de moins qu’une allégorie de Dieu lui-même : gigantesque, puissant, insaisissable, et pourtant doté d’une infinie douceur, d’une grande tendresse qui sait percer nos résistances et s’inviter au plus intime de notre cœur : par ses mains et par ses pieds, Vincent Boucher rend Dieu présent. 

Au pied de l’orgue, je n’ai pas eu à réfléchir, à penser. Je me suis juste laissée porter par expérience à la fois spirituelle et “sensuelle”, car plusieurs de mes sens (l’ouïe, la vue) ont été sollicités, et j’ai saisi ce que sœur Estelle voulait non pas nous expliquer, mais nous faire vivre.

À la messe, les chants des Petits Chanteurs du Mont-Royal s’élèvent dans la basilique. Pourquoi ces voix d’enfants, cristallines, nous touchent-elles autant ? Une phrase de Jésus me revient : « Laissez venir à moi les petits enfants, car le Royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent » (Mt 19, 14). Voilà la spiritualité musicale des Petits Chanteurs : ils nous élèvent et nous conduisent aux portes du Ciel. Par leur chant, ils rendent le Royaume présent.

La journée s’achève à l’intérieur du carillon où Andrée-Anne Doane nous accueille. La carilloniste titulaire – musicienne classique multi-instrumentiste qui a posé pour la première fois ses mains sur un carillon à l’âge de 20 ans – nous décrit son instrument de 56 cloches, avant d’exécuter sous nos yeux plusieurs pièces. Les cloches ont ce don particulier de créer une ambiance de fête et de joie. Ne sonnent-elles pas à Noël, à Pâques, aux mariages ?

Heureux hasard : en quittant le carillon, un concert ouvert à tous commençait à la basilique, dans le cadre du Printemps des Orgues 2016. J’ai donc achevé cette journée par un magnifique concert avec Jacques Boucher à l’orgue et Anne Robert au violon. Par leurs notes et leur interprétation, ils ont su, à leur tour et à leur manière, rendre Dieu présent.