Peu d’objets du frère André subsistent. Les quelques pièces conservées au Musée de l’Oratoire nous rappellent que frère André était un homme simple. Sa grande dévotion envers saint Joseph sut déplacer d’imposantes foules dès le début du 20e siècle. De cette foi immense il nous reste un legs, celui d’un sanctuaire de renommée internationale l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal.

Porter l’habit, un signe de vie consacrée

À l’époque de frère André (1845-1937), la vie en communauté est régie par un ensemble de règles de vie écrites par le fondateur de la congrégation, le bienheureux Basile Moreau (1799-1873) en 1863. Ces Règles capitulaires (fig. 1) énoncent les conduites de vie axées sur l’observation de la discipline.

Il est important de noter que les pères et les frères ont des rôles distincts. Les premiers sont formés pour le service pastoral et le ministère des sacrements, tandis que les seconds suivent un parcours vers l’enseignement ou sont destinés au service de la communauté; comme dans le cas de frère André. Ces fonctions diverses amènent des distinctions dans la tenue vestimentaire.

Règles capitulaires de la c.s.c

Fig.1 : Congrégation de Sainte-Croix, Règles capitulaires de la Congrégation de Sainte-Croix, 1933, 288p. Centre d’archives et de documentation Roland-Gauthier, CSC 255.79 C749 1933

Selon les règles approuvées en 18731, la garde-robe d’un frère (fig. 2) est composée des éléments suivants : une soutane noire2, un collet romain, un cordon de laine noire terminé par un gland, un chapeau ovale à large bord, un pantalon, une toque pour l’intérieur, des bas et des chaussures noires ordinaires.

Au cou, une médaille de saint Joseph3 (fig. 3) qui doit être portée à l’intérieur de la soutane comme sur la photo suivante. Les vêtements sont marqués par un numéro identifiant son propriétaire et il est strictement interdit de porter autre chose que ce qui est prescrit.

Médaille de saint Joseph portée par les frères de la Congrégation de Sainte-Croix

Fig. 3 : Médaille de saint Joseph portée par les frères de la Congrégation de Sainte-Croix. Collection du Musée de l’Oratoire (2012.807)

« Tous se souviendront qu’ils ont fait vœu de pauvreté et renoncé à toutes les vanités du monde. Ils ne laisseront jamais rien voir dans leurs vêtements et dans leur tenue qui ressente la frivolité, le caprice ou un esprit peu religieux.4»

Entrer en communauté impose un détachement, une distanciation envers soi-même et envers la société. « La vie religieuse est un perpétuel sacrifice : elle est basée sur une triple immolation, sur un triple renoncement : aux biens de la terre, aux biens du corps, à notre volonté. C’est bien là le rôle des vœux […].5 » Et pour ce faire, l’habit imposé est un moyen de se rappeler tous les jours cette promesse faite à Dieu, un signe de vie consacrée.

Vitrine au 4e niveau de l’Oratoire dans laquelle nous pouvons observer une partie du costume des frères

Fig. 2 : Vitrine au 4e niveau de l’Oratoire dans laquelle nous pouvons observer une partie du costume des frères.

Frère André, une « relique vivante »

On vient de loin pour rencontrer celui à qui l’on attribue de nombreux miracles. Plusieurs font même la file devant le bureau du frère André simplement pour lui demander de toucher leurs médailles, comme si cela leur apporterait plus de chance dans leur quotidien.

Cet engouement gagne en ampleur dans les dernières années de la vie du frère André. En fait, tout ce qu’il touche ou qui est en sa possession est scrupuleusement ramassé par tout un chacun, même par ses amis proches. Le frère André s’oppose fermement à de telles pratiques. Il ne laisse personne s’occuper de ses vêtements de peur qu’on en fasse des reliques (fig. 4). Il lave lui-même ses habits et brûle ce qui ne peut plus servir, comme ses cheveux fraîchement coupés.

Lors du procès de canonisation, quelques amis témoignent de la rigueur du frère André en ce qui concerne son vœu de pauvreté. De par ses nombreuses rencontres et la ferveur du public à son égard, plusieurs souhaitent lui offrir des cadeaux comme un nouveau manteau ou des chaussures neuves.

Le frère refuse catégoriquement toute attache matérielle. Le père Elphège Labonté dit de lui qu’il a « la passion de pauvreté6 ». L’usure de ses vêtements est visible, des objets « […] dignes de figurer dans un musée7. »

Cordon et relique de cordon produite par la Communauté de Sainte-Croix suite au décès du frère André le 6 janvier 1937

Fig. 4 : Cordon et relique de cordon produite par la Communauté de Sainte-Croix suite au décès du frère André le 6 janvier 1937. Collection du Musée de l’Oratoire (2010.17 et 2012.677)

Quelques témoins du passé

Le Musée de l’Oratoire conserve quelques pièces de vêtements qui auraient appartenu au frère André. Précieux souvenirs pour la communauté, ces objets sont gardés sous clé dans une armoire prête à quitter rapidement l’Oratoire en cas de force majeure. Nous y retrouvons : 2 manteaux (1997.47 et 2004.24), une pochette brodée par l’inscription « Rév Frere André » (2010.12), une paire de gants noirs (2017.79.1-2), 4 chapeaux (2017.75-78), un gland de son cordon (2010.17), 2 valises (2020.2 et 2020.3) et une bourse (2017.80). (fig. 5)

Cette bourse est, à mes yeux, un des objets les plus significatifs de la vie de saint frère André. Refusant toute somme d’argent proposée contre guérison, frère André accepte sans compter les dons du cœur. Quand son sac est rempli, il le remet tout simplement à son supérieur. Un témoignage de son bon ami Joseph Pichette nous rappelle les paroles sages du frère, comme quoi « […] il ne fallait pas s’attacher aux biens de la terre, qu’autrement on ne pourrait s’attacher à Dieu comme il le fallait.8 »

En ce 10e anniversaire de canonisation, il est important de rappeler que ce qu’il reste du saint frère André est le souvenir d’un homme de prière, humble et au service des autres, en particulier auprès des malades et des affligés.

Un homme dont l’esprit de foi et de charité a su rassembler autour de lui des foules immenses à la gloire de saint Joseph. Un don de grâce qui a permis l’élévation d’un legs plus grand que lui, celui du sanctuaire de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal.

Bourse et valise du frère André. Collection du Musée de l’Oratoire (2017.80 et 2020.3)

Fig. 5 : Bourse et valise du frère André. Collection du Musée de l’Oratoire (2017.80 et 2020.3)

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  1. Frère André entre comme postulant dans la Congrégation de Sainte-Croix en 1870.
  2. On distingue la soutane des pères par un plus grand nombre de bouton visible. Sur le vêtement des frères, les boutons sont plus espacés sur le tronc et dissimulés par pan de tissu à partir de la taille.
  3. Les pères portent un crucifix au cou ainsi qu’un camail c’est-à-dire une petite cape qui couvre les épaules.
  4. Congrégation de Sainte-Croix, Règles capitulaires de la Congrégation de Sainte-Croix, 1873, p. 90.
  5. R.P. Hervé Morin, c.s.c., Commentaires des règles de la congrégation de Sainte-Croix par les lettres des premiers supérieurs généraux, Fides, Montréal, 1946, p. 15.
  6. Ibid., p. 676.
  7. Ibid., p.677, note de bas de page en référence à A. Ganz, Summarium, p. 248 en référence aux bretelles recousues à répétition.
  8. Causae Summarium – Cause du frère André, témoignage de Joseph Pichette, Vol. 2. p. 49.