Le Bureau de la Cause

Depuis le 17 octobre 2010, le frère André est reconnu comme un saint par l’Église catholique, soit 73 ans après sa mort. Cette reconnaissance est le fruit d’un long travail accompli par ce qui était alors le Bureau de la Cause du frère André. Depuis mon arrivée à l’Oratoire en 2017, j’ai traité les archives de ce bureau. Ce billet de blogue présente le processus qui a mené à la canonisation de frère André.

Le fonctionnement interne du Bureau de la Cause

À Montréal, le personnel du Bureau de la Cause était composé d’un vice-postulateur, d’une secrétaire ou d’un assistant et d’un médecin consultant. Le travail du vice-postulateur consistait principalement à recueillir et à analyser les informations sur frère André, sur les guérisons qui lui sont attribuées et en faire la promotion. Le vice-postulateur travaillait avec la collaboration du postulateur, qui lui se trouvait à Rome et qui avait la responsabilité de s’assurer que tout était fait en conformité avec les règles. C’est également le postulateur qui transmet les informations à la Congrégation pour les causes des saints.

Fig. 1 à 9 – Les vice-postulateurs de la Cause.

Émille Deguire, c.s.c.

Fig. 1 – Émile Deguire, c.s.c. (1941-1943 )

Alfred Laplante, c.s.c.

Fig. 2 – Alfred Laplante, c.s.c. (1943-1954)

Paul-Eugène Charbonneau

Fig. 3 – Paul-Eugène Charbonneau, c.s.c. (1954-1958)

Fig. 4 – Jean Durand, c.s.c. (1958-1967)

Fernand Gagnon

Fig. 5 – Fernand Gagnon, c.s.c. (1967-1975)

Bernard Lafrenière, c.s.c.

Fig. 6 – Bernard Lafrenière, c.s.c. (1975-1994)

Marguerite-Marie Fortier, c.s.c.

Fig. 7 – Marguerite-Marie Fortier, c.s.c. (1994-1998)

Robert Choquette, c.s.c.

Fig. 8 – Robert Choquette, c.s.c. (1998-2004)

Mario Lachapelle

Fig. 9 – Mario Lachapelle, c.s.c. (2004-2010)

Source : 1 – CADRG 211.73-3 ; CADRG 2 – 211.158-1 ; 3 – CADRG 211.50-12 ; 4 – ; 5 – CADRG 211.103-2 ; 6 – CARDG 211.151-7 ; 7 – Archives des Sœurs de Sainte-Croix; 8 – Service d’archives de la Province canadienne de la Congrégation de Sainte-Croix ; 9 – Service des communications de l’Oratoire Saint-Joseph.

Les étapes vers la canonisation

L’ouverture de la Cause

La première étape pour ouvrir la Cause a été d’obtenir la permission de l’archevêque de Montréal. La demande a été envoyée le 3 novembre 1940 et a été validée le 7 du même mois.

Les procès diocésains

Les procès diocésains sont des procès à proprement parler, avec juge, avocats et témoins, menés en vertu des lois de l’Église catholique romaine. Il y en a eu trois : le procès des écrits, le procès informatif et le procès de non-culte.

  1. Le procès des écrits s’est ouvert le 13 novembre 1940 et visait la récolte et l’analyse des écrits du frère André. Ces écrits étant très rares, un décret permettant de poursuivre la Cause fut obtenu le 12 mai 1955.
  2. Le procès informatif s’est ouvert le 8 octobre 1941 et consistait à entendre des témoins qui avaient personnellement connu le frère André de son vivant. Ces témoins devaient répondre à une série de 171 questions qui visaient, entre autres, à « établir l’existence d’une véritable réputation de sainteté publique et fondée sur des faits » 1. Trois cent quatorze sessions ont été tenues à Montréal avec trente-deux témoins, en plus de trois commissions rogatoires à Providence, à Rhode Island, à Ottawa et à Saint-Hyacinthe, où 17 autres témoins ont été entendus. Il s’achève en avril 1949.
  3. Le procès de non-culte s’est ouvert le 4 novembre 1949 et devait prouver qu’il n’y avait pas de culte public rendu au frère André et dans le cas contraire, de le supprimer. C’est pour cette raison que le tombeau du frère André a été déplacé de la Crypte vers le flanc du Mont Royal2. Ce procès s’acheva le 7 juin 1951.
Copia publica procès non-culte

Fig. 1 – Copie publique du procès de non-culte, un livre de 286 pages entièrement écrit à la main. Martin Brideau, 2019.

Entretemps, le 5 juillet 1950, le dossier de la Cause est présenté à la Sacrée Congrégation des Rites. Et le 22 juillet, le dossier est officiellement ouvert. Il s’ensuivit une série de révisions des différents procès afin que tout soit fait selon les normes très exigeantes de la Congrégation. Le 9 novembre 1960, le pape Jean XXIII émet le décret d’introduction de la Cause. Toutefois, ces procès diocésains ne se conclurent réellement que le 22 décembre 1962 avec l’approbation du procès de non-culte par la Sacrée Congrégation des Rites.

Procès apostolique sur les vertus

Le 10 avril 1962 s’ouvre le procès apostolique diocésain sur les vertus. Il a pour but de « démontrer la continuation de la réputation de sainteté et de miracles ». Vingt-trois témoins ont défilé au cours des cent quarante-huit séances. La dernière séance de ce procès a eu lieu le 11 décembre 1963 avec l’ouverture du tombeau du frère André. Démarche essentielle pour la reconnaissance des restes. Le 19 mars 1964, l’archevêché de Montréal pose les scellés sur le coffre contenant le dossier du procès. La Sacrée Congrégation des Rites procède à sa consignation le 4 avril.

Tombeau

Fig. 2 – Ouverture du tombeau du frère André. CARDG 26a-24.

L’étude par Rome du procès apostolique, qui représente l’étape finale du procès, aurait dû avoir lieu en 1987, soit 50 ans après la mort du frère André. Toutefois, à la demande des évêques canadiens, une dispense du canon 2101 est obtenue du pape Paul VI le 11 juin 1977. Un an plus tard, le 12 juin 1978, le frère André est enfin reconnu vénérable!

Procès apostoliques sur les miracles

Désormais vénérable, il doit y avoir un miracle reconnu après la mort du frère André pour mener à la béatification et un second miracle, après la béatification, pour être déclaré saint. Sur ces exigences, les vice-postulateurs ont été prompts et méthodiques. Dès l’ouverture de la Cause, ils ont accumulé les témoignages de guérisons. En 1942, le père Deguire avait même produit un questionnaire à remplir par ceux qui disaient avoir été guéris par frère André et en 1944, un bureau des constatations médicales avait été mis sur pied.

Pour identifier les cas potentiellement valables, un processus a été mis en place : à la réception d’un témoignage, une première analyse était faite. Si la déclaration était jugée intéressante, on demandait des détails avec l’aide d’un questionnaire que l’on nous retournait accompagné d’une lettre du médecin traitant ou du dossier médical. Puis, un médecin consultant analysait le cas. S’il le jugeait recevable, l’opinion d’au moins deux experts médicaux était alors requise pour certifier que la guérison était médicalement inexplicable. C’est à cette condition que le procès apostolique diocésain sur le miracle peut avoir lieu afin d’examiner la rigueur des démarches, de constater que la guérison est inexplicable et que la personne a bel et bien fait appel au frère André, et à nul autre, à l’aide de témoins qui connaissent la personne qui a été guérie.

Le cas de Joseph Audino, qui disait avoir été guéri d’un cancer généralisé, a été déterminant pour la béatification de frère André. En 1979, les dossiers du procès ont été remis à la Congrégation pour la Cause des Saints. À partir de là, des analyses médicales poussées sont faites par Rome afin de certifier hors de tout doute que ce cas est bel et bien miraculeux. Il a été reconnu comme tel le 19 juin 1980 par une commission médicale et, le 23 mai 1982, frère André est déclaré bienheureux.

Questionnaire

Fig. 3 – Questionnaire utilisé à l’époque du bureau des constatations médicales.

Tribunal

Fig. 4 – Réunion du tribunal apostolique, vers le début des années 60. CARDG 27-18.

Les mêmes étapes ont été reprises pour la canonisation. Du temps du père Bernard Lafrenière (1975-1994), plus de 800 dossiers de guérisons ont été analysés de manière plus ou moins approfondie selon les cas. À la fin des années 90, on identifie un nouveau cas potentiel.

Mais ce n’est qu’en février 2005 qu’a lieu un procès. Après quelques révisions, le cas est approuvé par la Congrégation pour la Cause des saints en 2008 et reconnu comme scientifiquement inexplicable en 2009 par la Commission médicale. Le pape Benoît XVI permet ensuite à la Congrégation de promulguer le décret concernant le miracle. La canonisation a enfin lieu le 17 octobre 2010.

C’est ainsi, presque 70 ans après son ouverture, que le Bureau de la Cause a finalement achevé sa mission : faire reconnaître le frère André comme un saint.

Les dates à retenir

  • 7 novembre 1940 : Ouverture officielle de la Cause.
  • 12 juin 1978 : Frère André est déclaré vénérable par le pape Paul IV.
  • 23 mai 1982 : Frère André est béatifié par le pape Jean-Paul II.
  • 17 octobre 2010 : Frère André est canonisé par le pape Benoit XVI.


Références

– Dubuc, Jean-Guy, 2010, Album officiel de la canonisation du frère André, 188 p.
– Robillard, Denise, 2005, Les merveilles de l’Oratoire, 488 p.
– C001/1100 Mandat, historique et rapports
– C001/2110 Vice-postulateur
– C001/5200 Questionnaires et formulaire
– C001/5310 Faveurs et guérisons – 1913-1963
– C001/5310 Dossiers de témoignages pour la canonisation – CAN 800 à CAN 855
– L’Oratoire, février 1964.

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  1. Dubuc, Jean-Guy, 2010, Album officiel de la canonisation du frère André, p.173.
  2. Robillard, Denise, 2005, Les merveilles de l’Oratoire, p. 273.